Festival des Arts de Saint-Sauveur
Le Festival des Arts de Saint-Sauveur (FASS) a lieu tous les ans à Saint-Sauveur (Québec), ville située dans la région des Laurentides, à environ 60 km au nord de Montréal.
Au milieu des montagnes et d’une végétation luxuriante, Etienne Lavigne (Directeur Général) et Guillaume Côté (Directeur Artistique) dirigent cette manifestation qui est devenue au fil de ces dernières années un rendez-vous culturel marquant, non seulement pour les sauverois, mais aussi pour tous les amateurs de danse.
Concerts de musique et spectacles de danse de haut niveau animent la ville pendant deux semaines, qui se transforme en vivant au rythme des propositions artistiques à l’affiche. Le propos du Festival est d’offrir une programmation variée invitant musiciens et chorégraphes aux styles différents capables de montrer leur éclectisme, autant dans le domaine musical que chorégraphique. Il en y a pour tous les goûts !
Cette année, du 25 juillet au 5 août, le public a pu se régaler en assistant à deux concerts : le premier, le 26 juillet présenté par les Violons du Roy (Mozart, Dvořák, Wolf, Puccini et Tchaïkovski, sous la direction du chef invité Julien Proulx), un orchestre de chambre d’une quinzaine de musiciens de la ville de Québec qui se produit aussi à Montréal et le deuxième, qui a marqué la clôture du festival de l’Orchestre Métropolitain de Montréal avec un programme composé par Les Danse hongroises n. 1, 4 et 6 de Johannes Brahms, la Suite n.1 de d’Edvard Grieg créée pour la pièce théâtrale Peer Gynt d’Ibsen et la Symphonie n.5 de Tchaïkovski. Sur le pupitre, l’exceptionnel jeune chef d’orchestre Nicolas Ellis qui n’a pas du tout fait regretter l’absence de Yannick Nézet-Séguin, initialement prévu comme chef d’orchestre de la soirée. Le riche programme chorégraphique a rayonné grâce aux artistes invités, tous singuliers dans leur approche.
Les spectacles de danse ont démarré avec Michelle Dorrance, célèbre sur la scène new-yorkaise, qui a réanimé ce style issu la tradition de ses grands interprètes Fred Astaire et Gene Kelly. SOUNDspace, proposé à Saint-Sauveur, est une adaptation pour huit danseurs d’une pièce qui explore l’acoustique exceptionnelle de l’Église St. Mark à New York par des myriades de sons et de textures. All Good Things Come to an End est un quatuor de danseuses composé d’une série de tableaux vaudevillesques, sur le jazz exubérant de Fats Waller.
Puis, le 27 Juillet c’est le tour de Danse à trois temps. Trois femmes, trois chorégraphes réunies dans une même soirée, représentantes de trois approches de la danse. Anne Plamondon, au parcours impressionnant de danseuse avec Les Grands Ballets Canadiens, le NDT, Crystal Pite et RUBBERBANDance, est devenue une chorégraphe à suivre. Elle présente le duo Counter Cantor créé avec Emma Portner, avec qui elle partage une même passion du mouvement. Gioconda Barbuto, longtemps danseuse pour les Grands Ballets Canadiens et le NDT III, soliste polyvalente et magnétique, chorégraphe d’une cinquantaine de pièces, présente une nouvelle création. Hanna Kiel, originaire de Corée du Sud et établie à Vancouver depuis 1996, présente un extrait de Resonance, inspirée d’un mouvement politique sans précédent en Corée du Sud, qui a entraîné la destitution du président Park Geun-Hye en 2016.
Le 31 Juillet et le 1er Août le Festival a proposé la première mondiale, beaucoup attendue, de Crypto, une création de Guillaume Côté qui a fêté cette année ses cinq ans de direction artistique du festival. L’exceptionnel étoile du Ballet National du Canada a également confirmé ses qualités de chorégraphe engagé, visant à moderniser la danse classique avec l’adoption d’un langage plus libre et contemporain, capable de susciter la réflexion des spectateurs. Avec la collaboration d’artistes de renommée internationale tels que Royce Vavrek (livret) et Mikael Karlsson (musiques), le public a été plongé dans l’histoire d’un couple renfermé dans sa vie quotidienne, ayant perdu tout élan sensuel-sexuel. L’arrivée d’une créature inhumaine aux pouvoir surnaturels, menée au foyer grâce aux recherches de l’homme, d’une part réanime les sentiments du couple, d’autre part bouscule l’esprit de la femme qui entre en syntonie avec cet être « étrange ». L’esprit indompté et libre de la créature avec sa beauté sauvage, malgré la volonté de l’uniformiser aux semblances humaines, prend le dessus. La créature devient pour la femme le symbole pour s’échapper de son ménage quotidien et affirmer sa féminité : sa métamorphose est totale. Les interprètes, tous d’exception, Greta Hodgkinson (Etoile du Ballet national du Canada), Drew Jacoby (Principal dancer Ballet Royal de Flandre), Guillaume Côté (Etoile du Ballet national du Canada) et Matt Foley (First soloist Ballet Royal de Flandre), ont su tous incarné les facettes psychologiques des personnages.
De formations différentes, Greta Hodgkinson et Guillaume Côté, artistes plus classiques et déjà habitués à danser et créer ensemble au Ballet National du Canada avec Drew Jacobi et Matt Foley du Royal Ballet de Flandre, danseurs plus contemporains, ont partagé la scène sans dissonance. Au contraire, ils sont pu apporter les différentes nuances d’interprétation demandé par le développement du ballet. En fait la chorégraphie construite par différents tableaux monte en crescendo en termes de dramaturgie.
Nous retrouvons de l’ironie dans les premières scénettes illustrant la monotonie et l’indifférence réciproque du couple (Greta Hodginkson et Guillaume Côté) ; au moment de l’apparition de la créature, on rentre dans un monde ténébreux, plein d’incertitude et qui fait peur. Drew Jacobi avec son physique imposant se livre surtout dans un solo, où ses mouvements expriment une vraie nature animalesque. Tout semble devoir revenir à la normale grâce à l’apparition du chirurgien, Matt Foley. Son style rigoureux, extrêmement précis, impose de la sûreté pour la tâche qu’il doit accomplir : rendre humaine la créature étrange. Mais dans le final on retrouve les plus émouvants moments de danse : les pas de deux et le pas de trois entre Guillaume Côté, Greta Hodgkinson et Drew Jacoby expriment tout le sens tragique de l’histoire, envahie d’une forte dimension psychologique et onirique. Désormais la fracture entre le couple est rendue définitive malgré les vains efforts de l’homme qui tente de reconquérir sa femme. Les pas de trois final est à la fois poétique, lyrique et bouleversant marque le départ ensemble des deux femmes. Les nombreux portés présents dans ces dernières séquences évoquent de par leur beauté ceux présents dans le langage chorégraphique de MacMillan. La standing ovation que le public réserve à la fin est la réponse évidente à cette pièce captivante.
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- Crypto, Guillaume Côté-ph.JF Dessacs
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- Crypto,Guillaume Côté-Greta Hodgkinson-Drew Jacoby-ph.JF Dessacs
Les deux autres compagnies invitées, la Complexions Contemporary Ballet (les 2 et 3 Août) et Red Sky Performance (le 4 Août) témoignent de la diversité chorégraphique qui caractérise l’offre du festival.
Complexions Contemporary Ballet, fondé par Dwight Rhoden and Desmond Richardson est une compagnie américaine qui s’est affirmé au fil des années pour offrir une vision nouvelle de la danse, fondée sur l’intégration de différents styles, méthodes et cultures. Le programme, From Bach to Bowie, présenté au festival a mis en évidence l’hétérogénéité des danseurs et de leur répertoire. En fait la première pièce est un hommage à la musique de Bach. Dwight Roden transforme la perception et l’interprétation plus commune de la musique de Bach grâce à une danse vigoureuse et énergique alors qu’il reste lié à un vocabulaire plutôt classique. La deuxième pièce est un hommage à David Bowie. Le ballet se déroule sur les musiques de l’album Star Dust : les interprètes offrent au public un vrai show revisitant les tubes du chanteur anglais.
La compagnie Red Sky performance dirigée par Sandra Laronde, se propose de perpétuer la tradition autochtone à travers des spectacles basée sur la danse contemporaine. Trace, conçu pour sept danseurs, nous emporte vers nos origines. Il nous fait ressentir l’atmosphère des premiers moments de l’univers grâce à la chorégraphie puissante et à ses interprètes qui se donnent à fond. Les trois musiciens présents sur scène avec leurs mélodies basées sur des anciennes sonorités enveloppant le public, voyageant dans le temps.
Antonella Poli