Le Corsaire
Chorégraphie : Anna-Marie Holmes (da Marius Petipa et Konstantin Sergeyev)
Distribution : Les premiers danseurs, les solistes et le Corps de Ballet du Théâtre La Scala de Milan
Musiques : Adolphe Adam, Cesare Pugni, Léo Delibes, Riccardo Drigo, Peter von Oldenburg
Le Corsaire reste « un ballet des ballets » de par ses variations virtuoses, ses danses de caractère, son argument très riche. Fréderic Olivier, directeur du Théâtre La Scala de Milan, a toujours manifesté l’ambition d’offrir à ses danseurs une programmation digne d’une grande compagnie capable d’assurer l’interprétation des grands classiques du répertoire sans négliger quelques pièces plus contemporaines.
Toute la jeune compagnie est en pleine évolution, de nouveaux premiers danseurs et solistes viennent d’être nommés à juste titre et il ne pouvait pas y avoir meilleure occasion pour eux de se produire dans un grand ballet classique aux atmosphères somptueuses. La Scala de Milan invite Anna-Maria Holmes à remonter Le Corsaire, une nouvelle production d’après celle de Segeyev et Petipa créée pour l’American Ballet, avec les costumes et les scénographies signés par Luisa Spinatelli.
La jeune génération des talents italiens ne manque pas au rendez-vous. Les nouveaux premiers danseurs Martina Arduino (21 ans) dans le rôle de Gulnare, Virna Toppi (25 ans) dans celui d’une des odalisques, Timofej Andrijashenko (23 ans d’origine lettonne, Conrad) avec les nouveaux solistes Alessandra Vassallo, Maria Celeste Losa (deux odalisques), et Christian Fagetti (un corsaire) contribuent au succès de ce ballet qui manquait des scènes de la Scala dans sa verion complète depuis 1826.
Cette version du Corsaire se révèle une excellente vitrine pour montrer les nouveaux bijoux chorégraphiques du théâtre milanais. Anna-Maria Holmes conçoit un ballet où les variations techniques sont mises à l’honneur, plutôt que de se concentrer sur l’élaboration d’une nouvelle structure de l’argument, comme par exemple Kader Belarbi l’avait fait l’année dernière avec le Ballet du Capitole de Toulouse en simplifiant l’histoire et en mettant en avant les personnages principaux.
Dans le premier acte, on remarque déjà Medora (Nicoletta Manni), vivace et toujours très sûre d’elle d’un point de vue technique, qui charme le jeune Conrad (Timofej Andrijashenko). Leurs variations sont seulement un avant-goût de la suite. Et voilà le célèbre pas de trois, les trois odalisques : Virna Toppi, Maria Celeste Losa et Alessandra Vassallo. Elles sont parfaites et harmonieuses dans l’exécution des glissades-arabesques ainsi que dans la batterie imposée par la chorégraphie. Chacune d’entre d’elles a aussi l’occasion de se montrer dans des solos ; ce sont des moments où le vocabulaire de la danse classique est à l’honneur. Une autre parenthèse de virtuosité suit avec les pas de deux et les variations de Gulnare (Martina Arduino) et Lankedem (Marco Agostino). Ici, on ne peut pas ne pas remarquer toute l’allure et la noblesse de la gestuelle héritée de Marius Petipa. Les deux danseurs brillent ensemble et singulièrement : Martina Arduino, beauté méditerranéenne, enchante le public avec sa diagonale de pirouettes et de fouettés et son partenaire impressionne avec ses grands jetés.
Le deuxième acte révèle dans le rôle d’Ali une autre grande promesse : le jeune Mattia Semperboni , qui reçoit l’ovation du public à la suite de son exécution dans la variation qui fut un des chevaux de bataille de Noureev. Sa performance est athlétique, puissante et digne d’un artiste de grande expérience. Il faut souhaiter qu’il puisse mûrir car il a déjà toutes les qualités d’un grand danseur. Cet acte offre aussi un moment de romantisme d’excellence, celui du pas de deux entre les deux amoureux Medora et Conrad.
L’acte III met en scène le Jardin Animé. Il reproduit une atmosphère magique, une sorte de rêverie ; il s’agit d’une vraie rupture avec les deux actes précédents. Les dernières scènes du ballet montrent les pirates débarquer au Palais pour délivrer Gulnare et Medora, Medora reconnaître le traître Birbanto et Conrad tuer Birbanto. Le final, fait triompher les deux amoureux, Medora et Conrad, seuls survivants d’un navire qui naufrage.
Malgré certaines caractéristiques du ballet qui peuvent incarner un esprit show à l’américaine, Le Corsaire reste une très belle production, surtout car elle a su valoriser les danseurs du Théâtre La Scala de Milan.
Antonella Poli