Artist’s Choice
Chorégraphie : Jérôme Bel
Distribution : MoMa Dance Company
Du 27 au 31 Octobre 2016, Jérôme Bel est invité pour la deuxième fois à participer à la manifestation Artist’s Choice, événement créée en 1989 et organisé par le FIAF’s (French Institute Alliance Française) Crossing the Line Festival au MoMA de New York.
La proposition du chorégraphe s’inscrit dans la poursuite d’un travail en marge d’un registre contemporain plus conventionnel*. Spécialement pour l’occasion il crée la MoMA Dance Company, composée de 25 employés du musée, tous âges et statuts confondus (administration, finances, accueil, sécurité…). Ces danseurs amateurs, ayant – au mieux – une pratique ludique et personnelle de cet art, répondent à une nouvelle proposition de cette institution désireuse de maintenir un lien concret entre la peinture et d’autres champs artistiques.
Jérôme Bel embarque les performers « d’un jour » dans une création. A l’issue de trois répétitions de deux-trois heures en une semaine, ils se produisent dans le « Marron Atrium », lieu central dominé par un puits de lumière de trois étages offrant au public une vue en surplomb du « plateau » que d’autres spectateurs encerclent, assis au sol et sur quelques bancs.
Dans cette proximité et simplicité scénique, cette compagnie de danseurs improvisés présente, telle une foule bigarrée, un réjouissant patchwork chorégraphique où chacun trouve sa place. Onze qualités de mouvements dansés se succèdent, emmenées à chaque fois par un leader pour faciliter la synchronie et la mémoire des pas empruntés à des styles historiques et plus contemporains, soutenues par des musiques adéquates : solo et tableau académique, ensemble fluide à l’image d’Isadora Duncan, rythme africain, modern jazz dance induisant une élan groupal s’agglutinant à un mur puis s’adonnant à une vaste roulade au sol, séquence rock trépidante, break-dance juvénile, contraste avec une évolution étirée dans la douceur et la lenteur, duos esthétiques reliés par un ruban, et pour finir sur l’air de New York, New York une frénésie façon music-hall très communicative envers une audience ravie de partager un tel enthousiasme.
L’initiative de Jérôme Bel confirme que la danse est donnée à tous et que tous sont capables d’entrer en danse.
C’est autant les ressources des performers que la réalisation avec prise de risque qui intéresse le chorégraphe mais, ici, point de provocation** si ce n’est celle de lancer ce groupe – d’abord improbable – sur scène. L’appel à la créativité et à l’expressivité, à l’empathie et à la mixité sociale va de pair avec la non-exclusion de certains au profit de la recherche des potentiels des employés-danseurs, avivant le sentiment profond à exister.
De brèves discussions informelles à l’issue du spectacle pendant cinq jours témoignent de l’intensité valorisante de cette expérience pour chacun et des effets relationnels positifs au sein du fonctionnement institutionnel.
Un espace supplémentaire de plaisir s’ouvre dans un océan d’œuvres et d’installations contemporaines prestigieuses; et encore une fois, l’évidence du pouvoir des corps et de la danse.
* J. Bel a réalisé Gala (2015) dans la suite d’ateliers populaires dans la banlieue parisienne, performance collective réunissant amateurs, handicapés et professionnels « offrant la scène à ceux qui en sont écartés » (Théâtre de la Ville, Paris, 1/12/2015).
** Par une performance de « non-danse » au profit de l’hyper-présence des corps sur scène (sexe, seins, urine, salive, nudité banalisée…), la pièce homonyme Jérôme Bel (1995) devient représentative du « courant conceptuel », support de significations élaborées (et controversées) par le spectateur même. Elle est présentée pour la 1ère fois à New York (28/10/2016).