Carmina Burana
Chorégraphie : Claude Brumachon
Distribution : Ballet du Grand Théâtre de Genève
Musiques : Carl Orff
« Je cherche un style, c’est la seule chose qui m’a intéressé » dit Claude Brumachon.
Et son style est fait de violence, d’arrêts brusques, de chutes et de mouvements répétitifs.
Et c’est en cela qu’on reconnaît les grands chorégraphes. Débordant d’énergie, virtuose, tranchée, charnelle, vibrante, leur danse est de la danse, une danse qui passe même par un dur travail à la barre et beaucoup d’échauffements.
Au fil des années, Claude Brumachon et Benjamin Lamarche se sont confrontés à différentes manières d’exprimer et d’inventer le mouvement mais, pour citer encore des mots de Brumachon « J’ai toujours pratiqué cette énergie, on m’a même reproché la sueur, une corporalité violente mais moi j’aime ça, telle chute, telle remontée, tel attrapage, telle embrassade ; l’effort c’est d’abord le plaisir. Je travaille beaucoup sur les étirements extrêmes et les chutes mais derrière il y a une réflexion sur le mouvement ».
Ainsi on peut le définir comme un bouillonnant créateur se remettant en cause chaque fois.
C’est le cas pour cette dernière création pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, Carmina Burana, sur les musiques de Carl Orff, œuvre inspirée de textes du Moyen Age. Après avoir terminé son mandat à la direction du CCN de Nantes au mois de décembre dernier, Claude Brumachon tourne la page pour nous offrir une nouvelle création.
Avec cette pièce il n’abandonne pas toute son esthétique : au début, sur le puissant hymne O Fortuna, il crée des groups sculpturaux avec le trio de danseurs qui dominent la scène. Leurs corps forment des images, ils se superposent et ils s’entralacent pour que chaque partie des corps deviennent des éléments essentiaux pour la création d’une gestuelle riche. Six déesses, personnages d’un monde fantastique et invisible, dominent le fond de la scène : elles disparaissent pour réapparaître et incarner l’espoir et la poésie qui pourront sauver l’humanité de son destin misérable. Leurs costumes, signés par les stylistes On aura tout vu, nous emportent dans la forêt magique d’un Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare.
A la différence d’autres de ses pièces, où la violence et la souffrance étaient prédominantes, avec Carmina Burana, Claude Brumachon nous offre aussi des moments plus apaisés, moins troublants où la danse devient plus lyrique et passionnée, élevée et romantique. C’est ainsi que cette œuvre devient ambivalente, à la fois noire et solaire. C’est la première fois que Claude Brumachon travaille avec le Ballet du Grand Théâtre de Genève qui a montré la pleine maîtrise de sa technique qui se développe autour d’un geste irrationnel qui est toujours nécessaire. Et si l’on regarde plus en profondeur, celui-ci dans toute son expressivité, présente une fonction iconique qui s’insère dans la conception sémiotique de l’art chorégraphique. C’est une image qui renvoie et qui se construit à partir et dans le corps réel avec ses moments de souffrance et d’élévation vers le spirituel. L’orchestre de la Suisse Romande avec le Chœur du Grand théâtre de Genève ont enrichi la réflexion chorégraphique avec une exécution impeccable et émouvante. Le sujet de Carmina Burana a pu prendre grâce à cette création une dimension plus actuelle : les violences représentées font échos à celle de notre société, leur ouvrant une perspective positive.
Genève, Opéra des Nations